21/10/2025
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Moins d’antibiotiques chez les animaux en France, mais la résistance persiste chez l’humain : repenser les priorités

La résistance aux antimicrobiens (RAM) constitue une menace mondiale majeure pour la santé. On considère souvent que l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux contribue fortement à la résistance observée chez l’humain, mais un commentaire publié dans The Lancet Microbe appelle à reconsidérer cette idée. Cette réflexion est issue d’une analyse d’un groupe de travail de l’ANSES coordonné par Éric Oswald (Institut de Recherche en Santé Digestive) et Étienne Giraud (INTHERES, vice-président du groupe). Leur conclusion : si les animaux peuvent héberger des bactéries résistantes aux antibiotiques, leur contribution à la résistance des bactéries responsables d’infections chez l’humain est aujourd’hui faible en France et les principaux moteurs de la RAM humaine se trouvent dans le secteur médical.

En France, les plans ÉcoAntibio  menés depuis 2011 ont permis de réduire de 47 % l’exposition globale des animaux d’élevage aux antibiotiques, avec des baisses spectaculaires pour certains médicaments clés (jusqu’à 90 % pour les fluoroquinolones et la colistine). Cette politique a entraîné une diminution mesurable des résistances bactériennes dans le cheptel français.

Cependant, les études réalisées chez l’animal montrent que les souches résistantes d’origine animale contribuent peu aux infections multirésistantes humaines en France : les bactéries prioritaires (comme Escherichia coli résistants aux fluoroquinolones ou Staphylococcus aureus résistants à la méticilline) ne présentent pas de lien épidémiologique fort entre animaux et humains. Certaines résistances majeures, notamment celles des Enterobacterales aux carbapénèmes, restent absentes du cheptel français et n’ont été détectées que sporadiquement chez des animaux de compagnie.

Les auteurs soulignent que les principaux moteurs de la RAM humaine se trouvent dans le secteur médical : prescriptions inappropriées, manque de prévention des infections et transmission interhumaine. Les voyages, échanges commerciaux et hospitalisations à l’étranger favorisent également la diffusion de bactéries multirésistantes.

Le rôle des animaux et des pratiques d’élevage dans l’apparition de souches multirésistantes reste néanmoins d’actualité dans les pays n’ayant mise en place les mêmes mesures qu’en France ainsi que dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où la situation est aggravée par la faiblesse des systèmes de santé, la mauvaise qualité des médicaments et la contamination environnementale (eaux usées, effluents industriels, fumier).

Enseignements et recommandations

  • Le cadre « Une seule santé » (One Health) reste essentiel, mais il doit être adapté au contexte local : le risque n’est pas symétrique entre humains, animaux et environnement.
  • Les succès du secteur vétérinaire montrent l’efficacité de politiques coordonnées, mais ne suffisent pas à modifier les tendances globales de la RAM humaine.
  • Il faut investir davantage dans la santé humaine et environnementale, renforcer la surveillance génomique intégrée, et favoriser la transparence et la coopération internationale.
  • Enfin, les auteurs appellent à abandonner les discours accusatoires envers le secteur animal pour adopter une approche équilibrée, fondée sur les preuves et adaptée à chaque pays.

 

Référence :

Khamisse E., Bertrand X., Bouchard D., Collineau L., Fortineau O., Haenni M., Madec J.-Y., Saegerman C., Giraud E., Oswald E.
“Rethinking the role of animals in antimicrobial resistance.”
The Lancet Microbe, octobre 2025.