A la redécouverte d’un trésor scientifique inestimable de l’ENVT
L’éminent Professeur Louis-Georges Neumann, en plus de ses nombreux ouvrages scientifiques dans le domaine de la parasitologie, a laissé à l’ENVT un héritage tout autant précieux et unique : une riche collection de parasites internes et externes provenant du monde entier. Cette collection continue d’intéresser de nombreuses et nombreux parasitologues, notamment acarologues, à travers le monde pour consulter divers échantillons.
Partons à la découverte de ce patrimoine unique si particulier !
Depuis plusieurs jours, deux spécialistes de renommée mondiale dans le domaine des Ixodidae (tiques dures), le Dr Lorenza Beati, Professeur de Parasitologie à l’université de Georgia Southern aux Etats-Unis, et conservatrice d’une des grandes collections de tiques au monde (The U.S. National Tick Collection), et le Dr Santiago Nava, chercheur en parasitologie de l’institut national de technologie agro-alimentaire de Rafaela, en Argentine, observent différents échantillons de tiques de la collection dite « Neumann ».
Louis-Georges Neumann : un pionnier de la parasitologie
Né en 1846 à Paris, Louis-Georges Neumann a consacré sa vie à la science vétérinaire et à la recherche. Après avoir brillamment réussi ses études, il intègre l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort en 1864 et en sort diplômé en 1868.
Sa carrière commence à l’École impériale d’application de cavalerie de Saumur, où il est mobilisé avant de devenir aide vétérinaire lors des campagnes impériales jusqu’en 1878.
En 1879, Neumann rejoint l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT), où il devient professeur titulaire en zoologie dès l’année suivante. Il se plonge alors dans des recherches en Parasitologie, discipline alors en plein essor à la fin du 19ème siècle.
Le Pr Neumann entreprend une révision majeure de la classification des parasites, notamment des tiques dures, décrivant et nommant de nombreuses espèces pour la première fois. Ses travaux, publiés entre 1896 et 1901 sous forme d’articles et d’ouvrages complets, lui apportent une renommée internationale.
Parallèlement, dès 1898, il constitue la collection éponyme. Riche de près de 2000 échantillons, elle est composée de spécimens envoyés pour identification, collectés lors des grandes expéditions scientifiques de l’époque en Antarctique, en Afrique et en Océanie, telles que la première expédition Charcot en Antarctique, l’expédition Gardiner dans les îles de l’océan Indien, ou encore l’expédition du Baron de Rotschild en Éthiopie et en Afrique de l’Est. La collection est particulièrement renommée pour les nombreux échantillons de tiques qu’elle regroupe.
Alimentée jusqu’au début du XXème siècle, cette collection n’a pas encore révélé tous ses secrets.
La collection Neumann : un trésor scientifique réexaminé
La collection de Louis-Georges Neumann a été précieusement conservée par lui-même puis ses successeurs. Aujourd’hui, le service de Parasitologie de l’ENVT en a toujours la responsabilité, et Emilie Bouhsira, Maître de Conférences en Parasitologie à l’ENVT, a initié des collaborations internationales afin de valoriser ce bien précieux de notre patrimoine, de façon à faire mieux connaître cette collection à la communauté scientifique.
Ces jours-ci, les professeurs Beati et Nava, acarologistes et spécialistes en taxonomie des Ixodidae sont accueillis à l’ENVT pour réétudier les échantillons de tiques dures, en particulier les types originaux, afin d’en confirmer la correcte description originale, en se basant sur les descriptions écrites du Pr Neumann, disponibles dans la littérature. Ils utilisent également le cahier original d’enregistrement du Pr Neumann, enrichi au fil des années par ses successeurs.
Les deux spécialistes mènent une véritable chasse aux types originaux des tiques dures de la collection. Leur objectif est de confronter ces échantillons aux descriptions faites par Neumann dans ses travaux de l’époque, afin d’en confirmer l’exactitude. En réidentifiant ces types longtemps perdus, ils permettent une redécouverte scientifique et de clarifier des controverses postérieures à l’identification initiale. Ils fournissent ainsi des informations précieuses à la communauté parasitologique internationale.
Un travail de redécouverte minutieux reposant sur une méthodologie rigoureuse
La méthodologie est centrale dans ce travail de recherche scientifique archivistique. Le point de départ se trouve dans la littérature scientifique, où une espèce est identifiée et décrite pour la première fois, accompagnée de la date d’identification, du lieu de prélèvement. À partir de ces informations, les chercheurs peuvent trouver dans le cahier d’enregistrement l’individu concerné. Ils obtiennent alors le nom de l’espèce, la personne qui a procédé au prélèvement, ainsi que la date et le lieu de prélèvement, et l’hôte du parasite, et également le numéro du flacon dans lequel l’échantillon recherché se trouve.
Une fois le parasite retrouvé, il est observé au microscope pour identification par les deux spécialistes, puis ensuite comparé aux descriptions originelles, pour confirmation ou correction de l’identification. La redécouverte du type original et les observations qui en découlent peuvent servir de base pour de nouveaux articles, des mises à jour ou la rédaction de nouveaux ouvrages de parasitologie.
Bien que datant de presque un siècle et demi, la collection Neumann reste d’une grande actualité. Elle continue de contribuer de manière significative à l’identification et à la compréhension des parasites, et notamment des tiques, jouant ainsi un rôle crucial dans la recherche parasitologique contemporaine.
L’inestimable héritage de la Collection Neumann
La collection Neumann se distingue à bien des égards. Outre sa conservation impeccable, une collection de cette envergure et de cette diversité d’espèces, d’hôtes, et d’origines géographiques serait aujourd’hui impossible à reconstituer. En effet, pour préserver les différentes biodiversités à travers la planète, les chercheurs ne peuvent plus procéder à des prélèvements biologiques et ensuite des importations depuis de nombreux pays sans autorisation comme ce fût le cas lors des grandes expéditions scientifiques du 19ème et 20ème
Siècle. Chaque prélèvement doit désormais être soumis à des déclarations et des autorisations très spécifiques et complètes pour pouvoir être transporté à l’étranger, en respectant le protocole de Nagoya établi par les Nations Unies en octobre 2010 (et en vigueur depuis 2014). Centraliser autant d’espèces, comme c’est le cas ici, serait donc inconcevable de nos jours.
C’est ce qui confère à cet héritage scientifique une importance et une valeur inestimables, attirant continuellement l’intérêt des experts du monde entier.
Nous ne manquerons pas de partager les résultats des recherches menées par le Pr Lorenza Beati et et le Dr Santiago Nava, afin de continuer à valoriser cette précieuse collection.