Si l’infection par le virus SARS-CoV-2 est asymptomatique ou d’expression légère chez la plupart des personnes infectées, elle évolue chez certains patients au bout d’une semaine environ vers un syndrome inflammatoire non régulé aux multiples conséquences pour les organes vitaux, et dont l’issue est assez souvent défavorable chez les patients hospitalisés en réanimation.

Ce syndrome inflammatoire est lié à la production d’une grande quantité de petites molécules appelées cytokines qui servent à la communication entre les cellules et les tissus au sein de l’organisme. Cette sécrétion disproportionnée de cytokines est communément appelée « orage cytokinique ». Elle peut être la conséquence de l’activation de certaines cellules du système immunitaire par le virus. Cependant, cela est peu probable dans le cas du SARS-CoV-2 car ces cellules n’expriment pas le récepteur ACE2 et ne sont pas infectées de façon directe par le virus. Elle est plutôt la conséquence indirecte de la destruction des cellules de l’alvéole respiratoire appelées pneumocytes de type II et de l’apparition secondaire d’une inflammation locale.

Cette hyperproduction de cytokines est mesurée à l’aide de tests réalisés à partir du sang ou de liquide prélevé dans les bronches pulmonaires, qui permettent de quantifier plusieurs dizaines de cytokines dont l’expression est plus ou moins coordonnée. Ces tests dits multiplexes sont disponibles dans différentes espèces dont l’homme, la souris et certaines espèces domestiques, y compris les ruminants. l’UMR IHAP a récemment contribué au développement d’un test de ce type (info ici), et dispose des équipements nécessaires pour ces analyses multiplexes de profilage cytokinique.

Parmi ces cytokines, l’interleukine-6 (ou IL-6) contribue majoritairement au désordre inflammatoire. Elle est la principale cytokine à l’origine de la fièvre persistante qui a été décrite chez les patients ayant développé une CoViD-19. Elle est corrélée aux troubles de la coagulation qui contribuent à l’apparition des différentes manifestations cliniques décrites jusqu’alors chez les patients infectés.

Comment expliquer l’apparition de ce syndrome inflammatoire chez certaines personnes alors que d’autres ne développent pas de symptômes ?

Les mécanismes ne sont pas encore identifiés précisément mais plusieurs facteurs contribuent à ces phénomènes. Ils sont de nature génétique comme le suggèrent des premiers travaux mais aussi épigénétique, c’est-à-dire liés à des modifications de l’expression des gènes qui sont le résultat du parcours de vie des individus ou de leur état de santé général au moment de l’infection.

L’âge semble être un facteur déterminant et constitue un facteur de risque d’apparition de troubles sévères après infection par le SARS-CoV-2. Le lien entre une plus forte réactivité inflammatoire, dont la production d’IL-6, et l’âge a été précédemment décrit chez la plupart des mammifères depuis l’homme, la souris et même les bovins chez qui l’équipe IALTA de l’UMR IHAP travaille actuellement à l’identification des mécanismes moléculaires associés à l’augmentation d el’inflmmation avec le vieillissement. Des modifications de l’état du promoteur du gène codant l’IL-6 font partie des mécanismes qui sont évoqués.

D’autres mécanismes en lien avec un syndrome métabolique ou l’obésité peuvent aussi contribuer à une production exagérée d’IL-6 par des cellules comme les macrophages qui infiltrent le tissu graisseux et qui sont alors présents en plus grand nombre.

Comment prévenir l’apparition de l’orage cytokinique ou réduire son intensité lorsqu’il apparaît. Les molécules anti-inflammatoires font partie des possibilités thérapeutiques, avec comme inconvénient majeur, le manque de spécificité sur les mécanismes qu’elles inhibent.

Une alternative est l’inhibition des cytokines de façon directe. Cela est possible par l’utilisation d’anticorps monoclonaux qui se lient à la cytokine ou à son récepteur pour empêcher sa fixation, et bloquent ainsi les phénomènes en cascade aboutissant aux conséquences cliniques de l’orage cytokinique. Parmi ceux-là, le tocilizumab est un anticorps monoclonal spécifique du récepteur de l’IL-6 développé pour le traitement de maladies inflammatoires chroniques comme l’arthrite rhumatoïde. C’est un bon candidat en raison du rôle majeur joué par l’IL-6 dans l’apparition des troubles cliniques du CoViD-19, dont la fièvre. Des premiers résultats obtenus en France et à l’étranger semblent très prometteurs dans le traitement des cas les plus graves de CoViD-19.

Si ce traitement permet de réduire les conséquences les plus graves du CoViD-19, il est de faible intérêt en début d’évolution ou chez les personnes infectées développant des troubles légers. La prévention de l’infection par l’application stricte des mesures barrières reste encore aujourd’hui le moyen le plus efficace de prévenir l’apparition de l’infection et le développement de troubles parfois sévères.

 

Pour aller plus loin :

Giamarellos-Bourboulis EJ, Netea MG, Rovina N, Akinosoglou K, Antoniadou A, Antonakos N, et al. Complex Immune Dysregulation in COVID-19 Patients with Severe Respiratory Failure. Cell Host Microbe. 17 avr 2020;

Zhang C, Wu Z, Li J-W, Zhao H, Wang G-Q. The cytokine release syndrome (CRS) of severe COVID-19 and Interleukin-6 receptor (IL-6R) antagonist Tocilizumab may be the key to reduce the mortality. Int J Antimicrob Agents. 29 mars 2020;105954. 

 

Contact : Gilles Foucras

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